Saloperie d’immigré

En tant que touriste Français sans visa, il est possible de visiter pendant 6 mois le territoire Canadien. Il n’est pas possible en revanche pendant cette période de travailler du moins légalement ;). Cet article détaille la procédure d’immigration au Canada en tant que travailleur et plus particulièrement via la province de la Colombie-Britannique, le tout sponsorisé par une entreprise locale.

Avec un taux de natalité faible d’environ 1,67, les deux-tiers de la croissance du Canada repose sur les nouveaux arrivants. Il est même estimé que d’ici 20 ans, les nouveaux immigrants représenterait 80 % des nouveaux habitants. Pas étonnant quand on sait qu’aujourd’hui plus d’une personne sur 5 au Canada est née à l’étranger !

Le permis de travail

Mon permis de travail m’a été délivré à mon entrée sur le territoire pour une durée de 3 ans, soit une expiration le 1 Mars 2014. À partir de cette date et s’il n’y a pas eu de renouvellement la période touristique démarre et donne ainsi lieu à une déportation au bout de 6 mois (ou à une immigration clandestine au choix ;)).

Dans mon cas, ce permis est lié à l’entreprise qui m’emploie ce qui veut dire qu’une démission ou un licenciement annule le permis de travail. Retrouver un employeur qui accepte alors d’effectuer la démarche pour un nouveau permis de travail n’est pas chose aisée car le préavis de démission est généralement de 2 semaines. En effet, pour qu’une entreprise préfère miser sur 3 mois de paperasses plutôt que de recruter quelqu’un qui sera là après lui avoir serré la main dans maximum 2 semaines il faut certainement avoir un très bon profil.

Le renouvellement du permis de travail reste assez rare et souvent plus long à obtenir que celui initial, ceci dans le but de pousser les nouveaux arrivants vers la résidence permanente. L’obtention pouvant prendre jusqu’à 1 an et demi, les ressources humaines m’ont conseillé de commencer le processus au bout d’un an et demi si je souhaitais avoir le choix de rester lors de l’expiration du permis de travail, ce que j’ai donc fait.

Étape 1, la candidature provinciale

Afin d’obtenir plus rapidement la résidence permanente quand on est employé par une entreprise locale, il est courant de demander la candidature provinciale ou PNP pour «Provincial Nomination Program» en Colombie-Britannique. C’est une sorte de parrainage où l’employeur vante les mérites de l’employé, genre il a pas réussi à trouver le même profil parmi les résidents. Ma société fait appel pour ces démarches à un consultant en immigration. On m’a dit que ça arrivait assez souvent que la démarche échoue quand elle est faite à l’arrache directement par une entreprise, je suppose que c’est pour ça qu’ils passent par une société tierce.

Les informations demandées :

  • copie du passeport ;
  • copie du permis de travail ;
  • CV ;
  • copie des diplômes ;
  • copie du certificat de naissance ;
  • copie de certificats de mariage/divorce/etc ;
  • date et lieu de la dernière entrée au Canada ;
  • raisons pour la résidence en cours et éventuellement celles précédentes en Colombie-Britannique ;
  • contacts de la famille en Colombie-Britannique et dans les autres provinces/territoires du Canada ;
  • 6 photos d’identité (et comme dab c’est encore un nouveau format différent du passeport !).

Coût : 550 CAD.

Étape 2, la résidence permanente

Une fois la candidature provinciale obtenue il faut remplir les papiers pour la résidence permanente qui sera alors traitée très certainement hors de la province. Pour moi, elle est traitée à Sydney, Nouvelle-Écosse (une des provinces les plus à l’Est du Canada, à ne pas confondre avec l’Australie ou l’Écosse :)).

Les informations demandées :

  • si vous savez communiquer en Anglais et/ou en Français ;
  • contacts des parents et de la fratrie (nouveau mot pour toi ;)) ;
  • extrait du casier judiciaire ;
  • nombre d’année d’études depuis l’école primaire et détails des années depuis le lycée (manière de montrer que tu as redoublé :p) ;
  • occupations (étudiant, travailleur, explorateur, branleur, …) depuis l’age de 18 ans (blanc interdit genre Juillet-Août faut mettre vacances d’été…) ;
  • lieux de résidence depuis l’âge de 18 ans avec code postal s’il vous plait !
  • pays où tu as vécu les 5 dernières années si ce n’est pas ton pays d’origine ou le pays en cours de résidence ;
  • associations auxquels tu as participé ;
  • éventuels postes au sein d’un gouvernement ;
  • détails sur le service militaire ;
  • le plus dur, dates et pays visités au cours des 10 dernières années ou depuis l’âge de 18 ans ;
  • montant des fonds transférables dont tu disposes au Canada ;
  • questions traditionnelles où l’on te demande si tu es un criminel, un terroriste ou participe régulièrement à des génocides (mais qui réponds oui à ça ?) ;
  • 6 photos (4 pour la partie médicale et 2 pour le CIC).

Il faut aussi mettre à jour lors de chaque étape la dernière date d’entrée au Canada ainsi que les dates et pays récemment visités

Coût : 490 CAD.

Etape 3, les examens médicaux

Si la demande est acceptée, tu reçois un numéro de fichier ainsi que des instructions pour une visite médicale. En effet, afin d’éviter une immigration juste pour obtenir une couverture sociale, des examens médicaux sont nécessaires pour compléter le dossier. Ça n’a pas vraiment de sens quand on vient de la France où il est difficile d’avoir une meilleur couverture sociale mais ça en a beaucoup plus quand on vient du pays de l’Oncle Sam !

Les examens effectués :

  • le traditionnel «est-ce que votre cœur bat ?», «Oui», «Très bien, ça fera donc 23 euros» ;) ;
  • radiographie du thorax ;
  • pipi dans un flacon ;
  • prise de sang pour le sida et la syphilis.

Coût : 290 CAD pour une durée d’environ 90 minutes.

Etape 4, l’envoi du passeport et du permis de travail

Cette étape est optionnelle et apparemment pas commune pour les Français car nous n’avons pas besoin de visa mais le CIC m’a demandé mon passeport pour finaliser le dossier et une copie ne suffit pas ! Apparemment à ce niveau d’avancement il est très difficile de les joindre, il y a un email et une adresse postale (pas de téléphone) et ils répondent que très rarement. Ils sont sensés ne le garder que 4 semaines mais ça a finalement duré plus longtemps ce qui m’a empêché de descendre aux Statès pour un weekend prévu de longue date mais c’est toujours mieux que de recommencer la procédure à zéro !

Cette fois le dossier est traité à Ottawa, Ontario, la capitale et les informations doivent être envoyées dans les 60 jours.

Les informations demandées :

  • passeport ;
  • permis de travail ;
  • informations biométriques (taille et couleur des yeux).

Etape 5, la réentrée sur le territoire

Si tout va bien vous recevez la confirmation de la résidence permanente en plus de votre passeport si on vous l’avez demandé. Il est alors nécessaire de faire un «landing» afin de terminer la procédure. Il s’agit de sortir du territoire pour y rerentrer afin de finaliser les papiers et ce dans les 6 prochains mois. Apparemment il est possible de faire ça à Vancouver mais il n’y a pas beaucoup de bureaux et ils sont assez chargés alors qu’à la frontière ils ont du monde.

Je profite donc de bosser au sud de Vancouver pour descendre à Point Roberts dans l’état de Washington (20 minutes en voiture), une aberration géo-politique. Dommage que les cours d’histoire ne soient pas aussi vivants que cette vidéo pour expliquer la raison de cette zone non incorporée :

J’avais lu sur Internet que cette frontière ne traitait pas les demandes d’immigration mais vu que c’était un long weekend au Canada j’ai préféré tenter ma chance plutôt que de faire la queue aux autres bien chargées pour le coup. Je me suis aussi dit que c’était l’occasion de visiter cette presqu’île (et de faire le plein façon Andorre/Espagne quand on est toulousain :)), mais que nenni ! Quand l’agent de la frontière m’a demandé ce que je venais faire là bas, il m’a envoyé dans la bâtiment où tu rencontres tout plein d’Européens et autre mexicains qui ont besoin de visas afin de me refuser l’entrée aux États-Unis, une première :). Ils te fournissent alors un papier contenant la mention «Flagpole» qui veut dire en gros que tu as fait le tour du poteau (celui qui contient le drapeau) considéré comme zone internationale ou «no-touching zone» et donc effectué une sortie du territoire sans forcément entrer aux USA (ce qu’aurait pu me demander un agent de la frontière Canadienne si j’y étais allé à pied).

C’est souvent la procédure pour les personnes qui ne peuvent pas entrer aux États-Unis facilement. Côté Américain, un agent m’a même suivi pour bien vérifier que je repartais vers le Nord direction la frontière Canadienne. Paye ta procédure !

C’est déconseillé mais pendant cette période où je n’avais qu’une confirmation et plus de permis de travail, j’ai pu aller aux États-Unis (ce même long weekend d’ailleurs) et voyager en France sans problème pour revenir.

Étape 6, la carte de résident permanent

C’est l’équivalent de la fameuse carte verte aux États-Unis. Cette carte est nécessaire pour rentrer de nouveau sur le territoire Canadien et même suffisante, cela dit pour sortir du territoire il faut tout de même un passeport donc avoir les 2 sur soi à l’étranger reste indispensable. Petit plus pour la version Canadienne, une partie transparente pour la seconde photo et le tout très coloré assez classe mais ça vaut pas le passeport Finlandais :) :

Qui dit changement de statut d’immigration dit nouveau numéro de sécurité social et comme la première fois ça se fait en moins de 10 minutes dans un des centres agréés à la pause de midi par des administratifs super cordiaux et le tout en Français «What else?» enfin quoi d’autre ;) ?

En résumé les dates

  • 26 Septembre 2012 – envoi de la candidature provinciale ;
  • 4 Décembre 2012 – acceptation de la candidature provinciale (10 semaines, estimé à 8-12 semaines) ;
  • 6 Février 2013 – envoi de l’application pour la résidence permanente ;
  • 18 Mars 2013 – réception du numéro de fichier confirmant le dossier (1 mois et demi, estimé à 2-3 mois) ;
  • 19 Mars 2013 – envoi des instructions pour les examens médicaux ;
  • 8 Avril 2013 – visite médicale ;
  • 9 Juillet 2013 – reçu de la facture pour le droit à la résidence permanente (490 CAD) ;
  • 9 Septembre 2013 – demande du passeport ;
  • 18 Septembre 2013 – envoi du passeport ;
  • 23 Octobre 2013 – confirmation de la résidence permanente (5 semaines, estimé à 4 semaines) ;
  • durée depuis envoi initial de la demande de résidence permanente : 9 mois, estimé à 6-12 mois ;
  • 8 Novembre 2013 – «landing» à Point Roberts ;
  • 28 Janvier 2014 – réception par courrier de la carte de résidence permanente (10 semaines, estimé à 6 semaines) ;
  • durée totale : 1 an et 4 mois, estimé à 1 an et 6 mois.

Coût total : environ 1330 CAD + photos d’identité (12 !) + frais de traitement par une société de consultation.

La suite

Malgré son nom, cette résidence permanente n’est pas valide «ad vitam æternam» et doit être renouvelée en gros tous les 5 ans si vous êtes présents au moins environ 2 ans (730 jours) au cours des 5 dernières années. Je peux maintenant travailler pour n’importe quelle entreprise sauf celle nécessitant une autorisation de sécurité de haut niveau ainsi que résider dans n’importe quelle province/territoire.

En revanche, je n’ai pas droit de voter ou de me présenter pour des élections (c’est le gros point noir pour moi ça ;)). Pour cela, il est aussi possible de présenter une demande de citoyenneté Canadienne après avoir résidé au moins 3 ans au cours des 4 dernières années. Il faut donc continuer à bien tracer les jours passés à l’étranger, chose que je maintiens dès à présent pour éventuellement éviter de galérer dans quelques années.

Bref (ça faisait longtemps que je n’avais pas écrit un article aussi long !), me voilà donc parmi ces saloperies d’immigrés (et d’émigrés par la même occasion) :p.

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Publié le 27 février 2014 à 8h00 par Sébastien Launay dans Immigration. Vous pouvez suivre les réponses à cet article via son flux RSS. Vous pouvez laisser un commentaire, ou faire un rétrolien depuis votre site.

6 réponses à “Saloperie d’immigré”

  • @nnie a dit le :

    Un descriptif bien détaillé de la procédure pour l’obtention de la carte de résident permanent, mais le titre choque ! Peux tu le rectifier ? Au Canada il y a une vraie politique en faveur de l’immigration (notamment des français, pour conserver l’héritage francophone, comme en Alberta). Tu as donc la fameuse carte depuis le 28 janvier 2014 (et non 2013). :-i

  • Pierrick a dit le :

    Je suis d’accords avec mamam! ;)
    Il faudrait réécrire ton titre, ça peu prêter à confusion chez des gens! ;)

    Sinon, faut kiffer les papiers! Et dire qu’en France on dit qu’on aime ça, on dirait que c’est pire au Canada!

    • Sébastien Launay a dit le :

      L’article fait l’apologie de l’immigration, certes ça peut prêter à confusion si un gars s’est perdu sur Internet et se retrouve ici et qu’il n’est pas assez ouvert d’esprit pour comprendre l’antiphrase ironique (et bam, nouveau terme pour toi !). Moi je trouve que c’est un bon titre bien actuel avec ce qui se passe en France (vu de l’étranger via les infos) et de la liberté d’expression ;).

      Pour ce qui est de la bureaucratie je trouve que c’est plus efficace et cordiale qu’en France, maintenant j’ai jamais tenté d’immigrer en France donc le processus est peut être même plus compliqué ou pas (je serais jamais :)).

  • Ludo a dit le :

    En gros avec cette carte de résident « permanent » (qui n’a de permanent que le nom vu qu’elle n’est valable que 5 ans :)) n’a d’intérêt que si tu es licencié ou si tu veux changer de job.
    Comment ça fonctionne vis à vis de ton passeport ? Tu as toujours la nationalité Français donc tu gardes ton passeport français ? Et si tu voulais être naturalisé Canadien, c’est faisable ?

    • Sébastien Launay a dit le :

      Cette carte n’est valable que 5 ans mais elle est renouvelable à vie sans justificatif du moment que sur ces 5 ans tu restes au moins 2 ans au Canada, c’est pratique aussi pour pouvoir quitter le pays pendant quelques années et pouvoir y revenir.

      Ça n’a effectivement aucun impact sur mon passeport et ma nationalité sauf que je peux rentrer au Canada juste avec cet pièce d’identité alors qu’avant j’avais besoin de mon passeport mais de toute façon pour sortir il me faut mon passeport :). Pour la naturalisation, c’est tout à fait possible mais comme je le disais il faut avoir résidé au Canada pendant au moins 4 ans avant de pouvoir commencer la procédure mais cette fois il y a un examen écrit et un entretien !
      Et pour mes potes Irlandais, il faut aussi plaider allégeance à la reine et ça c’est les fait pas rêver.

  • Ludo a dit le :

    Ok, j’avais mal lu la fin de l’article. J’avais compris qu’elle était renouvelable mais je pensais que c’était le même procédé. Si c’est sans justificatif si ce n’est d’avoir passé 2 ans sur les 5 au Canada c’est pas mal en effet.

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